Marcheurs à mauges sur Loire
61 Marcheurs à MAUGES-SUR- LOIRE du 13 au 16 septembre 2018 ==> PHOTOS Reportage 1 - Reportage 2
La douceur angevine
Á 14h00 précises ce jeudi 13 septembre, le car, avec Pascal aux commandes, quitta l’esplanade de St Thégonnec pour nous conduire vers les Jardins d’Anjou, vaste résidence touristique incluse dans un site paysagé agréable et reposant. Nous sommes 62 et dès le départ l’ambiance est à la joie car nos principaux animateurs sont plein de verve. Ainsi s’enchaine à tour de rôle une suite d’histoires drôles que se partagent Léon et Jean Marcel dans le rythme soutenu d’un nouveau genre de Kant an Diskan parlé, chacun s’appropriant le micro et déclenchant dans le car de francs éclats de rire. Puis Martine, interviendra aussi pour ajouter une touche féminine par les riches anecdotes de son répertoire.
Le vendredi matin notre guide Henri, d’abord dans le car, nous résume le secteur que nous allons découvrir. Nous sommes dans la communauté de Mauges- sur-Loire qui s’est reconstituée en 2015, faisant de la ville de La Pommeraye (4 mille habitants) le chef lieu de villages regroupés totalisant 18 mille âmes. Le car nous dépose et nous marchons sur le sentier côtier de la Loire, y découvrant des sites variés, des routes gallo-romaines, des églises majestueuses qui veillent sur la Loire du haut des petites collines, comme pour apporter une bienveillante sérénité sur le fleuve en retrait. Dans la vallée, la Loire est proche mais elle se cache derrière des bosquets épais semblant nous épier dès la première trouée de lumière. Un été aride l’a mise à nu laissant apparaitre les bancs de sable et les quelques ruisseaux qui emplissent de maigres sillons sablonneux. De temps à autre sur des encarts disposés en des endroits judicieux les œuvres du grand poète de la région, julien Gracq, résument en quelques vers bien rimés la richesse de ce fleuve aux multiples facettes qui sait sourire au printemps et rentrer en furie l’hiver, par l’outrance et la violence de son débit. Puis en un lieu précis Henri aborde en quelques phrases la violence vendéenne qui s’empara de la région, pourtant en dehors de la Vendée. Les premières hostilités éclatèrent à St Florent sur le Mont-Glonnes, le 13 mars 1793. Elles allaient se développer et faire des milliers de morts, dont certains par noyade, par le rejet des insurgés dans le fleuve en crue à cette époque. L’épilogue de cette guerre s’acheva du côté de Granville où quelques insurgés irréductibles voulurent retrouver les Anglais qui n’étaient pas au rendez-vous. Sur le chemin nous avons aussi visité des églises d’une clarté intérieure remarquable, conjugaison de la pierre de Tuffeau où pierre de lumière, et du filtre lumineux émis au travers de superbes vitraux. Á noter qu’une partie du groupe avait choisi de visiter un moulin à vent qui avait perdu ses ailes lors d’un récent violent orage. Plus au sud, en Vendée, la plupart des moulins à vent furent rasés à la révolution quand les Républicains apprirent que la position de leurs ailes indiquait aux insurgés la direction et l’emplacement où se terrait l’armée républicaine prête à intervenir.
L’après-midi nous allons découvrir « la vie de Château » ! Celui de Serrant nous ouvre ses portes et à sa vue, je ne saurais dire pourquoi, j’égrène les deux syllabes d’une chanson de ma jeunesse admirablement chantée pas Line Renaud ! : Qué Sera Sera … Rien à voir évidemment avec cet admirable joyau de la Renaissance, mais sans doute cet instinct cérébral qui s’illumine en musique devant tant de beauté apparue ? Pas de visites guidées en raison de notre groupe trop important. On doit se contenter de fiches nous expliquant l’essentiel des décors et du mobilier. La table mise depuis des lustres semble attendre l’instant où la vaisselle sera dépoussiérée pour lui refaire une toilette.Plus loin la chambre de monsieur le Duc est bien mise et laisse apparaitre une porte dérobée qui mène à la grande chambre de la Duchesse qui attend son bien-aimé pour y conter fleurette ! –ou plus- ? La couverture tirée au niveau de l’oreiller, un peu plissée, voir froissée, peut suggérer aux visiteurs du jour la sensualité d’un moment d’époque ou l’expression inavouée de choses qui blesseraient la bonne éducation ? Á l’extérieur, voici les douves profondes où stagne une eau grisâtre et où vivent en paix des tanches de 50 kg sans jamais s’indigner d’être ignorées du public. Un panneau nous indique le chemin de promenade de la duchesse confortablement installée dans sa calèche, avançant dans la large allée entourée d’arbres centenaires et de superbes tapis bleutés de cyclamens. Elle s’en va au bord du lac, peut-être à la rencontre de son amant qui va lui tendre un bouquet fleuri ? Peut-être, aussi, solitaire, pour y prendre discrètement son bain quotidien? Peu importe, nous avons fait le même chemin avec nos escarpins. En son temps elle avait déposé sa calèche et nous, aujourd’hui, nous avons regagné la nôtre sur le grand parking.
Notre journée n’est pas finie car la viticultrice nous attend dans ses vignes pour nous expliquer tous les bienfaits du raisin. Questions-réponses et nous savons tout sur l’art de la vigne, sa taille, l’entretien de la terre et même les rigueurs des autorités européennes imposant des normes parfois scélérates. La dégustation se fera au seuil du restaurant juste avant le repas sous la bénédiction du dieu Bacchus, qui peut-être nous observe ?
Samedi matin, sous la conduite d’Henri la marche reprend, cette fois, sur les hauteurs, à travers les cépages qui ont colonisé les terres après le temps des mines de charbon aujourd’hui fermées. Henri s’efforce de nous faire partager ce temps-là quand les mineurs fiers de l’apport qu’ils offraient à la société se regroupaient en communautés dans des estaminets ou d’autres lieux choisis où ils aimaient se distraire et festoyer après leur dur labeur. Désormais sur leurs fondations la vigne s’étoffe et s’étend sur tout le territoire et prend, selon des critères choisis, diverses appellations qui éveillent notre désir gustatif : sauvignon, gamay, chardonnay, coteau du layon etc.. Á midi nous serons servis à table chez un viticulteur après la présentation des parcelles par la viticultrice. La vision de ces rangées vertes alignées comme une armée de fantassins au garde à vous m’interpelle par une étrange pensée rassurante : sur le flan du présumé soldat végétal il n’y a pas d’armes mais de savoureuses grappes qui n’attendent que la dégustation ! Il fait beau et chaud et peu à peu s’élèvent autour des tablées des échos joyeux, le verbe est au sourire au fur et à mesure que montent dans l’atmosphère les émanations de nos dégustations successives. Soudain le silence se fait et nous allons assister à une grande première théâtrale entièrement improvisée par notre talentueuse équipe de troubadours : François, Léon, Yvonne et Jean Marcel. Une scénette en deux actes avec « marplich » ! (svp en breton) un encart publicitaire en guise de cerise sur le gâteau. Á tous les lecteurs qui n’ont pu assister à l’éclosion de cette talentueuse quadrette et qui voudraient animer un mariage, une réunion de famille, nous leur conseillons de s’adresser à la direction du club, pour retenir le groupe avant qu’il ne devienne inaccessible en raison des droits de la SACEM ! Nous avons bien ri ! Merci les artistes ! Je ne peux pas non plus, pour en revenir aux vins, passer sous silence les dialogues savoureux que l’on peut entendre :- Qu’est-ce que tu penses de ce vin ? Il a du caractère, hein !
- Ouais ! Il a d’ la cuisse et il rince bien la gorge !
- Figure-toi, je le trouve même gouleyant, et en plus il caresse bien les crocs ! Tu n’ trouves pas ?
- On est d’accord ! Même si je trouve qu’il tâche un peu la langue ! Allez ! On trinque…à notre santé !
Nous sommes tous d’excellents experts en Œnologie dans ces cas-là pour ne pas perdre la face où pour avoir l’occasion de prononcer, au moins une fois, ces expressions choisies qui fleurissent si bien notre belle langue française.
Dernier rendez-vous du jour à St Laurent- de -la –Plaine pour découvrir le musée aux 35 métiers qu’un certain M. Perrot (ne pas confondre avec les contes de Perrault !) aurait peu à peu échafaudé en récupérant les outils encombrants de nombreux habitants qui souhaitaient s’en débarrasser. Puis la récupération des outils du passé se développa dans d’autres régions de France pour obtenir ce riche musée que nous allons découvrir dans de multiples salons successifs sous la conduite d’un guide qui allait nous résumer ce temps ancien quand le travail se déclinait entre les deux angélus de la journée. Je pense que nous avons tous retrouvé là des instants de notre jeunesse en revoyant ces outils minuscules ou énormes qui jalonnaient notre douce enfance et que nos parents savaient si bien manipuler de leurs mains rugueuses. J’ai choisi quelques-uns de ces objets pour étoffer mon propos : Les deux grosses machines à tisser réunies et rapportées de la région lyonnaise, qui marquèrent la vie ouvrière par la révolte des Canuts. L’ancienne machine archaïque occupait une abondante main d’œuvre alors que la nouvelle avec sa carte perforée multiplia la production et la productivité laissant sur le carreau d’innombrables chômeurs qui s’insurgèrent. Les machines à écrire diaboliques dont le bruit infernal des touches métalliques assourdissaient les bureaux jusqu’aux couloirs attenants. L’appareil photo gigantesque où l’opérateur se camouflait derrière un rideau noir pour dompter la lumière et nous sortir une image en noir et blanc souvenir d’un mariage et vendu aux convives à la fin du repas. Pour la famille elle sera encadrée et fixée au mur près de l’âtre ou dans la salle à manger mais le temps jaunira les couleurs estompant peu à peu le souvenir d’un si bel instant. Un dernier propos sur la batteuse dinosaure dont le bruit ronronnant égayait la saison d’été. Ce bruit saccadé de la machine qui avalait la gerbe jetée du haut de la meule sur le tablier de travail. Ces engins se partageaient le territoire et d’une batteuse à l’autre les sonorités se succédaient comme un écho qui nous chatouillait agréablement les oreilles. Je me surprenais parfois à écouter le silence au-delà du bruit environnant et alors l’écho d’autres sonorités parvenait à mes oreilles comme un cadeau de la nature. C’était nos jeunes années que le temps n’effacera jamais car le souvenir est le seul paradis d’où l’on ne pourra jamais être chassé.
La dernière partie de la visite sera plus délicate car elle nous fait entrer dans l’horreur évoquant un passé qui a meurtri l’humanité et qui jamais n’aurait dû succomber à la faiblesse humaine à une époque où l’industrialisation commençait à émanciper les peuples. Et pourtant vingt ans plus tard …Personnellement mon âme est meurtrie par les ignominies de l’Histoire et par la bêtise humaine que Einstein a si bien exprimée : « Il n’existe que deux choses infinies, l’univers et la bêtise humaine…mais pour l’univers je n’ai pas de certitudes absolues », mais il prononça aussi une autre citation : « La vie, c’est comme une bicyclette, il faut avancer pour ne pas perdre l’équilibre ». Alors je finis ce sujet par une note optimiste : Avançons, brandissons l’étendard de l’Espoir et tournons la roue de l’avenir pour parodier aussi les mots de ce grand poète chanteur : « Le monde sera beau je l’affirme et je signe. »
En ce dimanche matin, jour du patrimoine, c’est aussi notre jour de départ. Une visite dans le parc où s’exposent divers stands, la plupart révélant la vie du marin sur la Loire. Trois jours merveilleux que nous avons vécus ensemble dans la joie et la bonne humeur et, cerise sur le gâteau, personne ne s’est égaré, ni enlisé, dans les bancs des sables mouvants de la Loire. Merci aux divers organisateurs qui ont contribué à nous faciliter la vie et à Pascal qui nous a ramené avec dextérité et professionnalisme dans sa calèche des temps modernes vers nos pigeonniers.